La Génération Z Africaine

La Génération Z Africaine : L’Archipel des Ambitions

Ne les cherchez pas dans les grands manifestes ou les idéologies du siècle dernier. La Génération Z africaine (née entre le milieu des années 1990 et le début des années 2010) ne forme pas un bloc monolithique. C’est un archipel d’îles connectées, où les revendications se tissent dans le concret du quotidien et où les ambitions s’expriment en dehors des sentiers balisés par les aînés. Leur héritage n’est pas un poids, mais une boîte à outils dans laquelle ils piochent avec une pragmatisme déconcertant.

La Revendication Numéro Un : la Souveraineté Psychique

Avant la souveraineté économique ou politique, il y a une quête plus fondamentale : la souveraineté psychique. Cette génération, ultra-connectée, est constamment tiraillée entre le récit globalisé des réseaux sociaux et la réalité locale souvent rugueuse. Leur première bataille est intérieure. Ils rejettent le fatalisme et le « complexe du sauvé » véhiculé par certaines images médiatiques. Leur revendication est simple : exister dans toute leur complexité, sans avoir à choisir entre être « trop africain » ou « pas assez authentique ».

Cela se traduit par une recomposition identitaire fluide. Un jeune de Lagos peut être fan de Burna Boy, suivre un cours en ligne d’une université sud-coréenne, s’inspirer de la série Lupin pour son style, et militer pour la préservation d’une langue locale menacée. Il n’y a pas de contradiction. C’est un syncrétisme assumé. Ils consomment la culture globale, mais pour mieux produire une expression qui leur est propre, comme en témoigne l’explosion des Afrobeats, du Alté, ou des séries Nollywood diffusées sur des plateformes qu’ils détournent.

L’Ambition Pragmatique : Construire des Ponts, Pas des Palais

Contrairement à la génération précédente qui rêvait parfois de « sauver l’Afrique » par la politique ou les grandes institutions, la Z est dans le micro-concret. Leur ambition n’est pas nécessairement de devenir président, mais de lancer une start-up agri-tech qui résout un problème de gaspillage dans sa région. Leur héroïsme est horizontal, pas vertical.

Ils sont les rois du « side-hustle » (petit business parallèle) et du pragmatisme économique. Le salariat à vie dans une grande entreprise est perçu comme un risque, une soumission à un système souvent perçu comme corrompu ou sclérosé. Leur ambition est de construire leur propre écosystème : un compte TikTok qui monétise leur passion pour la mode vintage, un groupe WhatsApp qui devient une marketplace informelle, une chaîne YouTube de vulgarisation scientifique en wolof. Ils bâtissent des ponts économiques légers et résilients entre les failles du système.

Le Rapport à l’Autorité : le Contrat, Pas la Soumission

Leur relation au pouvoir politique, à l’autorité religieuse ou familiale est redéfinie. Ce n’est plus une soumission basée sur l’âge ou le titre. C’est un contrat tacite et révocable. « Vous méritez mon respect si vous apportez de la valeur, de la transparence et des résultats. » Ils sont moins dans la révolte frontale que dans la création de circuits parallèles qui rendent l’autorité traditionnelle moins centrale, voire obsolète. L’argent mobile a émancipé les jeunes des contrôles familiaux, les MOOCs (formations en ligne) ont challengé l’autorité professorale, et les influenceurs locaux façonnent plus l’opinion que bien des éditorialistes établis.

L’Ecologie du Quotidien et le Futur Immédiat

Contrairement à une idée reçue, l’écologie n’est pas un luxe occidental pour eux. Elle est vécue dans l’immédiateté du « climate hustle ». Ils sont aux premières loges des sécheresses, des inondations, de la raréfaction des ressources. Leur ambition écologique est donc terre à terre : créer des entreprises de upcycling de déchets électroniques, développer des applications pour optimiser l’irrigation, promouvoir une mode circulaire basée sur le textile local. Leur militantisme est un activisme de solutionneur, pas de dénonciateur.

En somme, la Génération Z africaine ne demande pas la permission. Elle ne réclame pas tant un siège à la table des anciens qu’elle est en train de construire ses propres tables, avec ses propres règles, dans des espaces physiques et digitaux qu’elle contrôle. Leur ambition ultime est peut-être celle-ci : définir un nouveau modèle de réussite, ni purement individualiste à l’occidentale, ni noyé dans un collectivisme imposé. Un modèle hybride, agile, ancré localement et rayonnant globalement, où réussir c’est à la fois créer de la valeur pour sa communauté et préserver sa liberté intérieure. Ils ne veulent pas prendre le pouvoir. Ils sont en train d’inventer un autre pouvoir.

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